Au début de cette année, nous vous avions annoncé que Belnet collaborait au déploiement en Belgique d'un réseau Quantum Key Distribution. Le projet BeQCI rassemble des partenaires du secteur R&E et de l'industrie pour mettre en place et tester dans notre pays cette technologie prometteuse. Jo Segaert, ingénieur réseau chez Belnet et responsable du déploiement de BeQCI, nous fait un état des lieux.
Au sein du consortium, Belnet est responsable du déploiement de l'infrastructure. Pouvez-vous expliquer quel travail préparatoire a déjà été mené ?
L'infrastructure que nous mettons en place est une combinaison de liaisons par fibre optique et de dispositifs quantiques qui y seront connectés. Pour la fibre, nous avons déjà étudié le marché et nous sommes actuellement occupés à l'installation des lignes. Celles-ci ne sont à vrai dire pas différentes des connexions en fibre optique également déjà pour le réseau Belnet.
Ce qui rendra l'infrastructure différente, ce sont les boîtiers Quantum Key Distribution (QKD). Il s'agit de machines qui utilisent les effets de la physique quantique pour générer un flux de données aléatoires aux deux extrémités de la fibre optique, dont on sait avec certitude qu'elles n'ont pas été lues par un tiers en cours de trajet. C'est possible grâce à certains effets issus de la mécanique quantique. Ainsi, les clés cryptographiques peuvent être communiquées en toute sécurité entre expéditeurs et destinataires. Notre compréhension actuelle de la physique offre la garantie que cette façon d'échanger des clés est parfaitement sécurisée et le restera toujours.
Le cahier des charges pour l'achat de cet équipement QKD vient d'être publié. Nous sommes l'un des premiers en Europe à avoir lancé un tel cahier des charges et nous prévoyons de terminer la procédure d'achat dans un délai d'environ six semaines. Cet équipement sera acquis auprès de plusieurs fournisseurs dans toute l'Europe, ce qui permettra de tester et de comparer différents systèmes.
Où les connexions QKD seront-elles mises en place ?
Nous installerons l'équipement sur 6 sites : 2 en Flandre, 2 en Wallonie et 2 dans la Région bruxelloise. Cela créera 3 connexions QKD qui devraient être pleinement opérationnelles d'ici la fin novembre 2023.
Au cours d'une phase ultérieure, nous établirons une connexion pour tester la technologie sur une plus longue distance, à la suite de quoi nous transférerons l'une des lignes au Limbourg. Dans chaque cas, la (ré)installation de l'équipement sera réalisée par Belnet. En même temps que le déploiement de l'infrastructure, nous pourrons commencer à travailler sur des cas d'utilisation (« use cases »).
Comment ces "use-cases" d'utilisation seront-ils réalisés ?
Sur les sites où sont implantés les équipements quantiques, les membres du consortium procèderont d'abord à leurs propres tests. Ensuite, ils inviteront les institutions de recherche et d'enseignement, les pouvoirs publics et les entreprises privées à proposer des "use-cases". Le potentiel de la communication quantique est sans doute très important pour nos organisations adhérentes et est susceptible de créer un écosystème industriel européen de communication quantique. Les "use-cases" doivent nous aider à évaluer l'utilité pratique des différents systèmes et protocoles de QKD.
BeQCI fait partie d'un projet européen plus vaste. Suivez-vous ce qu'il se passe dans d'autres pays ?
Dans de nombreux pays européens, nos collègues des réseaux nationaux de la recherche et de l'enseignement (NREN) participent au déploiement du réseau Quantum Key Distribution. Au niveau européen, nous échangeons des informations et partageons nos connaissances et nos expériences dans le cadre du projet GÉANT. Certains pays tels que les Pays-Bas et la Pologne ont déjà une plus grande expérience de cette technologie, d'où l'intérêt de suivre les développements avec eux.
Les communications de chacun(e) seront-elles bientôt sécurisées par le QKD ?
Les choses n'iront pas jusque-là. La technologie en est encore à ses balbutiements. C'est surtout la réduction des distances qui constitue encore un défi majeur. Des avancées technologiques significatives seront encore nécessaires dans plusieurs domaines (par exemple, les répéteurs quantiques) pour déployer des Quantum Key Distribution à grande échelle. De même, le coût constitue encore une pierre d'achoppement. C'est précisément la raison pour laquelle la recherche – qui constitue une partie importante du projet BeQCI – est si importante.
En ce qui me concerne, outre l'excellente collaboration avec les nombreuses parties prenantes internes et externes, ce projet offre l'occasion de se plonger dans cette matière incroyablement passionnante.